Il hurle en moi.
Il lacère mon âme.
Il dévore mon corps.
C'est son cœur qui palpite contre le mien. Des que je me réveille, ce sont ses yeux qui me fixent, d'un vert éclatant. Il va faire qu'une bouchée de moi. Il va me détruire, il va sans doute me faire exploser, il va sans doute me bouffer l'esprit au point que je ne sache plus qui je suis, que je ne sache plus me contrôler, que je ne sois plus que sauvage. Détruire l'humanité en moi. Pourquoi moi ? Suis-je le plus faible des deux ? Est ce que j'ai fais quelque chose pour ça ? Un grognement, rauque, terrifiant. Je frissonne, j'ai envie de disparaître. Il est toujours là. Je sens sa présence qui se confronte à la mienne sans cesse, il est plus puissant, plus imposant, je vais finir par disparaître. J'ai déjà l'impression de ne plus exister. J'ai peur, je suis terrifié, et je n'arrive plus à me raccrocher. Je ne veux pas disparaître. Il y a Lui qui se confronte à Moi, sans arrêt. J'ai l'impression de devenir fou, c'est lui qui est agressif, c'est lui qui veut devenir fou, c'est lui la bête sauvage, celui qui a du mal à se contrôler. Et moi je suis derrière, je suis toujours là, je souffle encore doucement sur ma vie, comme sur un feu qu'on essaye de faire grandir. J'essaye de ne pas mourir. Il est fougueux, il est adorable, il ne sait pas sur quel pied danser, il est comme moi. Il est le plus sanguinaire et le plus doux, il veut s'attaquer aux humains mais ne veut pas leur faire de mal. Et moi j'essaye d'exister, je suis là quelque part.

« Hippolyte, mon chat, il y a quelqu'un pour toi ! » Elle est insupportable, elle m'étouffe dans ses bras sans même sans s'en rendre compte, elle m'étouffe sous son amour beaucoup trop grand, elle étouffe ma vie et ne le voit même pas. Aonghus se fou de ma gueule, pour pas changer, il se moque, je désespère. Son regard est noir pourtant, comme si j'avais fais une connerie en respirant à côté de lui. Cette pièce m'est insupportable, comme ma mère, comme mon frère, j'ai envie de partir en courant, je sens mon cœur s'accélérer contre ma poitrine. J'ai peur de me transformer. Je ne contrôle rien. Mon cœur s'écrase contre mon torse toujours plus vite, j'étouffe. Personne ne le remarque. Et j'ouvre la porte d'entrée pour voir qui est là, qui vient me déranger, alors que je suis faible, prêt à me briser en deux. Mon cœur rate un bond quand je vois sa tête, quand je vois l'air qu'il affiche, il est inquiet à m'en crever le cœur. Je ne dis rien pendant un petit moment, je le regarde, le dévisage. Aedan. Je n'ose pas bouger d'un poil, je le regarde, me retient de lui sauter dessus pour le serrer dans mes bras, me retient de parler pour ne pas dire de bêtises, me retient d'afficher cet air ennuyé. Et ma mère passe à ce moment là, ébouriffe mes cheveux. « Ne reste pas trop longtemps dehors, il va faire nuit. » C'est bon, les villageois ne vont pas me courir après avec une fourche et une flamme dès que la nuit tombe. J'en peux plus, je vais exploser. C'est que maintenant que je me rends compte que je suis fatigué, terriblement fatigué. Finalement je le regarde, droit dans les yeux. Aedan. « C'est bon, j'suis pas en sucre, j'vais pas fondre. » J'ai juste des cernes sous les yeux. C'est le loup qui me dévore de l'intérieur. Mais ce n'est rien. Oh et pourquoi me regarder comme ça ? Pourquoi sembler si inquiet ? Je vais pas mourir ce soir, merde. Je n'en peux plus, je tiens plus, j'attrape sa main dans la mienne et l'attire à l'intérieur, lui saute dans les bras. Un câlin, rapide, furtif, et un sourire. Ca va aller, ça va aller. « On va jouer à Resident Evil. »

« Pousse-le, vas-y ! » Des rires, partout, une énième bousculade, la tête qui frappe contre le trottoir. Ca aurait pu me tuer sur le coup, mais ça ne semble pas vouloir le faire, en tout cas ça fait un mal de chien. J'ai envie de disparaître, me retrouver dans un trou, me cacher, m'enterrer. On tire sur mes cheveux, on me fait mal, et j'ai honte quand même. « Dégage ton cul de là où j'te l'arrache et j'te l'fais avaler ! » Je peux reconnaître cette voix entre mille, elle appartient à ma moitié, à mon double, à mon reflet. C'est Aonghus. C'est lui qui leur fait peur, c'est lui qui leur dit de partir, c'est lui qui frappe. He's a mess, he's a mess, now the boy is stressed. Mon cœur s'accélère, il s'emballe, il fait ça à chaque fois mais cette fois-ci c'est violent, ça me coupe la respiration, j'ai envie de pleurer, je vais étouffer, je m'étouffe, les larmes aux coins des yeux. J'essaye d'attraper la main de mon frère, mais je ne sens que le vide. Mes muscles sont en feu, je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Je ne respire plus. C'est que je vais mourir, hein ? Ma tête à cogné trop fort, je suis sûr. Mes os aussi s'y mettent maintenant, la douleur est insupportable, j'ai enfin de l'air, assez pour crier. Non, hurler. J'ai mal, j'ai mal, bordel j'ai tellement mal. Aonghus me regarde, il est à genoux à côté de moi, il est paniqué. Nous ne sommes que des enfants, il ne comprend pas. Moi non plus. J'ai envie de mourir. Ca fait tellement mal. Je crie, je pleure, je fais peur. Mon frère est partagé entre l'idée de s'enfuir et de faire pareil que moi. C'est trop dur de voir son frère souffrir comme ça ? Je ne sais pas. Si, sans doute. Je serais le plus malheureux du monde si Aonghus souffrait. J'ai envie de pleurer, j'ai envie de mourir, je ne sais pas. Et il se recule, il semble choqué, il balbutie. « Hippo.. Hippolyte. » Oui, c'est moi. La douleur est toujours là, je respire difficilement. Non... c'est un halètement. Comme un chien. La douleur se calme enfin, ou tout juste assez pour que je puisse me redresser. A quatre pattes. Je n'arrive pas à me mettre debout. Je suis tellement petit à côté d'Aonghus. Qu'est ce que c'est, qu'est ce qu'il y a ? La douleur est tellement horrible, je vais m'évanouir... mais je ne veux pas qu'elle prenne le dessus. J'essaye de parler. Je hurle. C'est un hurlement animal, canin, qui ressemble à... un loup.