J'ai toujours été ce que je suis. L'une des rare à voir le jour avec mes yeux de louve. Mes parents eux, ont souffert lors de leur contamination, tout en y survivant... Malgré, un grand-frère, je fus l'unique détentrice de cette autre moitié animale. Je n'ai donc, jamais souffert de ne pas être entièrement humaine. Ma ville natale semblait ne vivre que de la peur ou de la haine de mon espèce, mais en grandissant dans cette ambiance, il nous semble tout à fait normal que ce soit le cas. Voilà pourquoi, âgé de quatre ans, je ne versais qu'une ou deux larmes pour ce grand-frère dévorer par une bête. Après tout, il était l'agneau, la tentation. Que certains y cède, ne me surprenait point. Gaffeuse de nature, bien que terriblement lucide, on me cajolait dans le voisinage, on riait à me voyant vagabonder sur les traces de mon cousin de onze ans mon ainé. Lip, voilà comment il s'appelait, l'unique personne de mon entourage pour qui je ne devais pas réprimer un frisson de dégout lorsqu'il me prenait finalement dans ses bras. Heureuse, voilà ce que j’étais. Démoniaque par moment, terriblement turbulente et étrangement féline, mais heureuse. Jusqu’à ce que mon père ne puisse continuer à vivre parmi les siens. Honteux d’avoir éliminé un humain pour la première fois, nous fîmes route vers une autre destination, m’arrachant à mon monde de lycanthrope.

Grandissant à Phoenix, bien loin de l’Irlande, j'en oubliais cette ville, ainsi que le danger relié à ma nature. Mes parents insistaient pour que je me montre la plus banale possible, donc, à brimer mon besoin de me montrer original. Ni vague, ni scandale, n'être qu'une parmi tant d'autres. Je n'avais pas plus de douze ans, lorsque ma première transformation eu lieu. Mais, préférant ne pas m'en souvenir, je me contenterais de préciser que deux parents lycanthrope, fut parfait pour savoir comment réagir. À l'école, on accorda mes sautes d'humeurs sur l'approche de l'adolescence, me laissant ainsi le loisir de bouder et de me montrer plus agressive dans mes relations avec l'espèce humaine. Ma vie était parfaite, si je puis dire... Bien qu'une douleur, sourde, envahissait mon cœur, tout au long des années que je passais dans cette ville.

Je n'avais plus envie d'obéir aux règlements. Obligé de me séquestrer pour ne pas aller me promener dans mon sommeil, tout en me réveillant terrifier par mes cauchemars chroniques... L'étrange impression que je n'étais pas à ma place, tout cela m'envahissait constamment. Me poussant à tenir tête à la génitrice qui commençait à me trouver bien capricieuse. Je me souviens encore, qu'elle me répétait sans cesse que les humains étaient menaçant pour nous et que si je désobéissais je finirais par l'apprendre à mes dépends. Peut-être aurais-je dû l'écouter, mais mon besoin de ne pas être fade, de ne pas seulement être cajolé ne pouvait être contenu éternellement et à peine âgée de vingt et un an, je dû reconnaître qu'elle n'avait pas tort.

Ma fête, celle me rendant officiellement majeur et vacciné, celle qui me libérerait du joug parental et des règlements à la noix, arrivait d'ici un mois et j'étais obsédée par cette idée. J'en oubliais mon somnambulisme, mes cauchemars et même mes transformations que je contrôlais parfaitement. Je n'étais plus qu'une jeune adulte sur le point d'être libéré. Je n'avais jamais fait de mal à un humain, ne mangeais jamais de viande et me montrais prudente. Pourquoi me serais-je inquiété que mon père ait fini par céder à l'envie et qu'il décime tranquillement le quartier? Pourquoi? Je ne lui adressais même plus la parole, je n'avais plus le temps. Entre fêtes, études et amis, les parents avaient disparu. Je ne respectais plus le code vestimentaire imposé, de plus. D'invisible, j'étais devenue la jolie loufoque que tous adore. Inconsciente, je rentrais le sourire aux lèvres et m'étalais à moitié saoul sur mon lit. La porte grande ouverte, petite sotte que j'étais.

Je fus réveillé par des cris, des cris d'hommes. Le froid semblait avoir envahi chaque parcelle de mon corps et je me dis que j'avais encore dû me rendre à l'extérieur. Dormais-je au milieu de la rue? Non, ce n'était pas de l'asphalte sous mes doigts, mais de la terre. De la terre noire et l'odeur du jardin voisin. Ouvrant les yeux, je fus aveuglé par une lampe torche et m'entendis pousser un grondement, alors qu'agressé par la lumière, je ne réalisais pas que mes yeux tournaient aux rougeâtre. Sans plus me laisser le temps de comprendre ce qui arrivait, je fus soulevé et trainer de force jusqu'à ce qui donnait lieu de cour privée à ma maison. Jeter à même le sol, je me redressais d'un bond, pour me figer, dents de louve bien en vue. Tout le voisinage était présent, des fusils à la main, me visant. J'entendis mes parents venir me rejoindre, je pus entendre leur pouls s'accélérer et leurs gestes se figer. « Aucune pitié, ils n'en ont pas eu pour nos enfants... » Une seule pensée m'envahit alors, mon père... Il avait déjà eu une faiblesse pour la chaire tendre des gamins.

On ne trouva jamais mon corps dans ce massacre, alors, que les policiers interrogeaient les meurtriers des miens. Je les entendais encore répéter qu'ils n'avaient rien vue, rien entendu. Je me souviens de la douleur des plaies qu'ils avaient infligés en croyant m'achever et de cet instant, où j'avais fui, sans comprendre où j'en avais trouvé la force. Près de deux semaines à vivre en recluse, couverte de sang, de boue, guérissant physiquement. Je ne me sentais paniqué, tout semblait être contre moi et je me découvrais un tempérament obsessif que je n'avais jamais eu à ce point. Près de deux semaines, avant d'être trouvé. On me traîna dans un hôpital, on me lava, s'étonna de ne trouver aucune trace de blessure et puis on m'interrogea. Je me laissais faire, trop secoué pour protester. Mais, ne dit aucun mot. Devant l'évidence de ma détresse, je fus enfermé dans ce que l'on nomme, poliment, un asile.

Ils furent forcé, de me trouver une chambre privée, me montrant trop apeurer à la présence de quiconque. Je ne sortais, d'ailleurs, jamais. Bien qu'ils firent tout pour m'y forcer. Devant leur échec, le psychiatre décida de respecter quelques mois de ce régime que je m'imposais. De toute façon, il n'arrivait à rien. Je ne disais rien, je ne collaborais pas et je tenais mordicus à ce qu'on respecte la limite de ma chambre. C'était ma pièce, ma vie et je ne voulais en aucun cas la quitter. En qui pouvais-je avoir confiance? J'étais une louve, on me tuerait et on prendrait certainement son temps.
Six mois et même le plus entêté de tous les psychiatres finis par lâcher prise. Il fut proposé qu’on retrace ma famille et qu’on me mette sous la garde d’un de ses membres. Chose, qui ne se termina par un seul nom : Lip Drumcliff. Un cousin, selon les informations qu’ils trouvèrent. À la mention de son nom, je me montrais un peu plus coopérative, ça et le fait qu’ils m’aient drogué, m’endormant tout le long du voyage.

Ai-je précisé que m'endormir est tout un défi, maintenant que je suis persuadée qu'à mon réveil, je me retrouverais presque morte ? Non et bien, maintenant que c'est fait, je dois aussi préciser que mes cauchemars et mon somnambulisme n'est toujours pas guéri. Depuis mon retour, toujours inconnu de la population d'Antrim, je me suis barricadé dans ma chambre pendant deux mois, puis ai adopté la vie nocturne. Ne sortant que lorsque la lune est haute et rentrant deux ou trois heures plus tard. Le reste de mon temps, je m'enferme dans ma chambre, attendant que Lip revienne à la maison, n'ayant un semblant de normalité que lorsqu'il est là. J'ai changé, je ne pense plus comme avant, ni ne considère les humains comme autrefois. L'idée de leur arracher la gorge me vient régulièrement, alors, je me mets à pleurer. Consciente que par leur faute, je suis rendue le monstre qu'ils pensaient que j'étais déjà.