Elle est là, toujours là. Où qu'il aille, quoi qu'il fasse, elle est là. Elle, son air doux, ses petits sourires, et ses cheveux longs. Elle est là, alors qu'Aloysia n'est plus là. De quel droit ose-t-elle fouler du pied cette terre que sa soeur ne connaîtra plus jamais ? De quel droit ose-t-elle encore rire alors que sa propre existence n'est plus que rage et rancoeur ? Elle ne devrait plus être là. Elle aurait dû être brûlée, au lieu de la carcasse inerte de sa soeur. Ce soir-là, c'est elle qui aurait du mourir, et pas sa tendre soeur.
Il la guette. Il la regarde et l'observe. Dans l'ombre, il suit chacun de ses mouvements, assiste à chacune de ses rencontres ; pour mieux la connaître, pour pouvoir coucher sur papier chacune de ses habitudes, et y mettre définitivement un terme. Le village est petit, et pourtant il ne l'a pas encore approchée directement. De peur de ne pas savoir se retenir devant tant de témoins ? Foutaises... La peur il ne connaît pas, et ce ne sont pas quatre pauvres paysans qui vont l'arrêter. Non, c'est autre chose. Autre chose qui l'empêche de bondir et de déchirer ce sourire qui éclaire toujours son visage. Les occasions n'ont pas manqué pourtant. Il l'a même déjà croisée au détour d'une ruelle, alors qu'elle rejoignait sa maison. Et pourtant, ce soir là, il s'est fondu dans l'ombre, au lieu de l'attaquer.
Lorsqu'il en a parlé à un de ses amis lycans, il s'est heurté à un mot qu'il ne comprenait pas vraiment. Imprégnation. Est-ce que ça voulait dire qu'il s'était entiché de la brunasse ? Non, ça avait l'air d'être quelque chose de plus fort, quelque chose qu'il ne pouvait pas effacer. Il balaya ouvertement les paroles de son ami, mais pourtant celles-ci continuent de faire leur chemin dans son esprit, même s'il se convainc du contraire. Et si c'était à cause de ça qu'il ne l'avait pas encore tuée ? Et s'il se retrouvait vraiment en face d'elle, les crocs dehors, oserait-il tout de même l'attaquer et venger sa soeur ? Ou au contraire préférerait-il la jouer profil bas pour profiter de cette fièvre qu'il ressent lorsqu'il la regarde ?

Luann, elle, le connaît de vue. Malgré sa discrétion, elle l'a déjà vu roder dans les parages, surtout parce qu'Evan, son meilleur ami, le lui faisait remarquer. Son comportement l'intrigue, mais elle n'a pas encore cherché à nouer un contact. Il était toujours seul. Toujours seul à errer dans les rues, comme s'il pleurait la perte d'un être cher. Avec le recul, elle finit par comprendre, et mis cette désolation sur la perte de cette jeune femme, qui était souvent à ses côtés jusqu'à quelques temps. Une amie ? Ou sa soeur probablement ? Peut-être qu'avoir un peu de chaleur humaine l'aiderait à surmonter ce deuil ? Elle ignore tout du conflit qui anime les sentiments de Boyce et le meurtre de sa soeur. Tout ce qu'elle souhaite, c'est tenter d'apaiser cette âme en peine. Peut-être qu'elle trouvera le bon moment, qui sait ?

(futur scénario) C'est de sa faute. Tout est de sa faute. C'est lui, le chasseur qui a appuyé sur la détente, c'est lui qui a réduit à néant la vie de sa soeur, c'est lui qui a organisé cette chasse et qui l'a débusquée. Il le hait. Du fond de son âme, du plus profond de son être. Il le hait autant qu'il est possible de haïr quelqu'un, et n'a plus qu'une idée en tête ; le faire souffrir comme lui a souffert. Rowan lui a pris ce qui avait de plus cher à ses yeux, alors il ne se gênera pas pour lui rendre la pareille, et prendre à son tour la personne qu'il chérit le plus sur cette Terre. Et la victime est déjà inscrite sur sa liste depuis des jours : Luann. Quel tête fera le pauvre père de famille, infâme chasseur, lorsqu'il découvrira que sa tendre fille ne sera bientôt plus de ce monde ? Une chose est sûre, le jour où son plan sera mis à exécution, Boyce ne manquera pas d'observer la terreur et le désespoir s'incruster sur son visage. Et s'il ne la tue pas, il lui réserve un sort en tout point semblable : la transformer en lycan, et forcer son propre père à se charger d'elle.