Je suis ce genre de personne qui n’assimile pas que certains chemins ne mènent qu’à des déceptions. Refaire constamment les mêmes erreurs tout en sachant pertinemment l’échec qui m’attend me correspond. Moi, de mon côté, j’appelle ça l’espoir.

"HUNTER TON CHIEN !" cria une voix alors que le garçon aux cheveux broussailleux se leva en deux temps et trois mouvements. Ses jambes frêles le conduisirent jusque dans le salon cosy où ses parents avaient pris soin d’omettre toute trace de son existence. Aucune photo de famille, aucun de ces multiples dessins griffonnés pour les fêtes des pères et celle des mères. Non, tout était aussi stérile qu'ils avaient voulus leur vie de famille. Une bonne famille, bien comme il faut, pas de débordement, pas de traces de bous, pas de gribouillis d'enfant. Non, leur fils ne faisait pas de gribouillis, le jour où ils afficheraient une de ses oeuvres, sera le jour où il sera assez compétant pour mériter une place dans leurs photos et leur conception de la normalité et la perfection.
Le dis chien était assis sur le tapis d'une couleur ocre désagréable, mais plate et parfaite. Hunter s'avança jusqu'à la petite boule de poil qui n'avait rien demandé. Baissant la tête en passant à côté de son père il ne pu voir venir le coup et l'arrière de sa tête commença à le lancer alors qu'il prenait le chien dans ses bras. "Je t'ai déjà dis de ne pas le laisser entrer dans la maison. Maintenant remet-le à sa place et retournes dans ta chambre, ta mère servira le repas à dix-neuf heures." "Oui papa.." répondit le petit garçon de neuf ans en se dirigeant vers la baie vitré qui menait au grand jardin de la demeure Orr. L'herbe vint glisser sous ses pieds nus alors que le petit garçon se répétait à quel point il détestait cette maison, cette vie, ce père, cette mère, ce monde. Papa, Maman, la maison, les collègues de papa, la maman de maman. Il n'aimait pas devoir se taire lorsqu'il y avait des invités, il n'aimait pas devoir approuver tout ce que ces parents prétendaient, il n'aimait pas devoir porter sans cesse des vêtements qui le mettaient mal à l'aise, mais qui rendait l'illusion de la perfection encore plus réaliste que son imposture n'alarmait personne. Hunter le voyait, ce manque de véracité dans les apparences. Ils étaient là pour le lui rappeler. Ces bleus, ces cris incessants dans ses oreilles. Pourquoi était-il née si ces parents ne voulaient pas de lui ? Pourquoi se sentait-il si étranger à cette famille qui était pourtant la sienne ? Le poète W.H. Auden a écrit; le mal n'est jamais spectaculaire, il a toujours forme humaine, il partage notre lit, et mange à notre table.

On dit souvent que le temps guérit toutes les blessures. Je ne suis pas d’accord. Les blessures demeures intacts. Avec le temps notre esprit afin de mieux se protéger, recouvre ses blessures de bandages, et la douleur diminue… mais elle ne disparaît jamais. Rose Kennedy.

"Tiens toi droit." dit d'un ton catégorique Madame Orr. Le garçon s'exécuta et se redressa sur la chaise de la salle d'attente. Une mine affreuse, c'était la seule chose qu'il avait la force de montrer ces derniers temps. Sourire n'avait jamais été parmi ses passe-temps favoris et les étoiles mornes dans ses yeux étaient en train de décroître de jour en jour, tout comme l'aiguille de la balance qui commençait à montrer à Monsieur et Madame Orr que ce n'était plus un fils, mais un cadavre ambulant qu'ils s'entêtaient à garder cacher aux yeux de la non-perfection. Quoi de plus honteux pour une famille d'avocats renommés que de devoir emmener leur fils chez le médecin ? Chez un psychologue, dans la-bas monde ? Tout était si beau et si propre dans leur réalité sans limite d'exagération quant à cette pseudo perfection. Parfait, toujours avoir l'air de ne rien cacher, d'être aussi blanc que neige, aussi innocent qu'un poussin, aussi honnête qu'un paysan qui ne connait rien d'autre que sa famille et son champ durant toute sa vie. Mais Hunter n'était plus dupe depuis déjà quelques années, en entrant dans cette école privée, il a fait face à toute cette hypocrisie qui lui pourrissait le quotidien. Il aurait voulu être honnête, vivre comme les garçons qu'il pouvait voir passer en courant devant un collège qu'il ne fréquenterait jamais.Il aurait aimé pouvoir faire quelque chose, pouvoir montrer qu'il n'était pas qu'un hôte en attente d'un héritage. Dire et montrer qu'il n'était qu'un enfant, un pré-adolescent qui voulait seulement pouvoir vivre. Oser espérer que plus tard il pourrait faire ce qu'il désire était-ce trop demandé à ce dieu si miséricordieux qu'il ne le comptait même pas dans ses martyrs ? "Madame Orr ?" demanda un homme dans la cinquantaine en se présentant sur le pas de la porte de la salle d'attente. La concerné ainsi qu'Hunter se levèrent et entrèrent dans le bureau du bourreau. Après quelques pesés, des mesures inutiles, encore quelques vérifications pour faire bonne figure, le médecin alla se rasseoir à son bureau, joignit ses deux mains et tourna sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire sans une once d'empathie "Votre fils présente les signes d'un début d'anorexie."

"Mon propre fils ? Anorexique ! Tu te fiches de moi !" gronda le paternel envers sa femme lorsque les deux Orr furent rentrés à la maison. Elisabeth baissa la tête et désapprouva en soupirant "Je suis désolée Devon, jamais je n'aurais pu croire que nous avions fait une si mauvaise affaire..." "C'est peu dire !" renchérit Monsieur Orr tandis que son teint prenait des nuances de plus en plus rougeâtres. Passant une main dans ses cheveux la seule femme de la demeure se tourna vers Hunter "Présentes tes excuses à ton père" dit elle d'un ton menaçant "Oh arrêtes de me présenter comme son père !" "DEVON !" lâcha Elisabeth en fusillant son époux du regard. "Jamais je ne serais le père d'un garçon qui n'est même pas foutu de faire honneur à tout notre travail !" répondit Devon en pointant un doigt inquisiteur vers sa femme, faisant total abstraction d'Hunter. "Désolé..." dit faiblement le garçon, interrompu par le bruit lancinant d'une gifle portée à sa joue. Il venait d'oublier une des règles primordial de son existence..On ne parle pas sans en avoir la permission.

Nous traversons nos ponts, quand nous arrivons à eux, et les brûlons derrière nous. Il ne nous reste rien pour trouver le chemin parcouru à part le souvenir d’une odeur de fumée et l’idée que peut être cette fois là, nos yeux ont pleurés. Tom Stoppard.

Pour résoudre les conflits humain, l’homme doit élaborer une méthode qui exclut les représailles, l’agression et la vengeance. Le fondements d’une telle méthode, est l’amour. Martin Luther King, Jr.

Le volume de la musique était poussé à son maximum, comme si le but était de dépourvoir tout participant à la soirée de son sens de l'audition. Ne plus rien entendre d'autre que la musique pour finir robotisé par ces sons incessant et identiques. Si on avait demandé à Hunter ce qu'il faisait là-bas, il aurait répondu qu'il se vidait la tête. Il avait besoin d'oublier, oublier que la semaine suivante il devait avoir repris au moins trois kilos pour être toujours autorisant à ne pas passer ses journées et ses nuits dans un lit d'hôpital. Avec les années, son petit problème de poids, comme aimaient qualifier ses parents, ne s'était en rien arrangé. Freiner dans sa guérison par des souhaits, des obligations parentales et un avenir qui refusait de s'éclaircir, Hunter n'avait même pas essayé de se battre pour reprendre ce qu'il avait voulu perdre. Il se sentait pitoyable, un chien abandonné le long d'une départementale avec pour seule arme de survie, une fierté mal placé.

"Poussez vous !" dit Monsieur Orr, d'un ton qui ne laissait aucune négociation possible. Les gens se poussaient, reconnaissant un des visages les plus connus de Glasgow. Ils avaient tous espéré secrètement qu'il ne viendrait pas, que la présence du jeune Orr dans cette maison resterait secrète. Ils avaient été nombreux à être sceptique quant à la présence de ce dernier. Beaucoup ne l'aimaient pas, en général les fils d'avocats, ceux qui ne parlent pas, ceux qui sont intelligents mais détestables de par leur caractère, trop fier, trop silencieux, trop meurtris par une vérité qu'ils ignorent, ne sont pas appréciés. La musique crève les tympans, les lumières aveugles, les tracés blancs poudreux font regretter à Devon Orr de s'être introduit ici, mais il devait le trouver. Où pouvait bien être cet empoté ? Les groupes de fêtards bougeaient au rythme de leur pseudo musique alors que l'homme se frayait un chemin à la recherche d'un visage connu, des yeux recherchés. Puis, alors qu'il entrait dans une pièce il aperçut un corps au sol, allongé de tout son long, le visage de son fils baigné dans une flaque translucide dont l'odeur aurait donné la nausée à plus d'un. "C'est pas vrai..." grognât-il en s'approchant d'Hunter. "Viens mon garçon...". Devon souleva son fils qui ouvrit les yeux en même temps qu'un haut-les-coeur le bouscula avant de retomber dans l'inconscience.

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Ses paupières papillonnent quand la lumière stérile et lancinante de la chambre vient se rompre contre sa cornée. Sa respiration est étrangement calme, mais sa gorge est râpeuse, comme s'il avait traversé plus d'une fois le Sahara sans avaler une seule goutte d'eau. Une main vient caresser son front et un mouvement violent de recul le traverse alors qu'il ouvre les yeux d'une traite. Jamais on ne lui avait caressé le front, j'avais sa mère ne s'était tenu ainsi près de lui, jamais cette lueur d'inquiétude n'avait brillé dans ses iris. Pourquoi maintenant ? Hunter regarde Elisabeth d'un air méfiant, comme si d'un moment à l'autre elle pourrait changer de visage, revêtir le masque de sadisme qu'elle avait toujours affiché et s'en aller en riant à gorge déployé. Comme une danse démoniaque qui viendrait lui réclamer un autre tango, mais sa tête avait déjà trop tourné au rythme des symphonies enflammés et criantes de reproches. Il n'avait plus confiance. "Ne me regardes pas comme ça..s'il te plait....j'ai...on a vraiment cru te perdre Hunter !" "On ?" "C'est ton père qui t'as trouvé hier soir. Il était inquiet...il t'aime tu sais !" un rire nerveux et sarcastique vint filer sur les lèvres du jeune Orr. Elisabeth baissa la tête "Je sais que l'on ne te l'a pas fait savoir souvent...même jamais...mais c'était dur pour nous, tu peux comprendre au moins !" Hunter ferma les yeux et serra les poings "De quoi ? Avoir un gosse ? Lui montrer au moins une fois qu'il avait une place et non pas juste une fonction ?! J'suis pas une statue qu'on dépoussière de temps en temps et qu'on pose dans un coin en attendant de pouvoir se la ramener devant les collèges !"Hunter vit les mains de sa mère s'emmêler, son regard devenir morne et ses lèvres se crisper. Elle leva une main et vint la poser sur celle d'Hunter qui la retira d'un geste vif et douloureux. "N'essaies pas de jouer le rôle de la mère...c'est trop tard." "Tu n'es pas notre premier..." "Quoi ?" dit-il en fronçant les sourcils. Elisabeth sembla hésiter avant de relever un regard humide "Tu n'es pas notre premier fils...". Non, il n'était pas leur premier fils. Il n'avait jamais été premier en rien. Avant lui, ils avaient eu un magnifique petit garçon, ses boucles blondes promettaient un grand avenir et ses yeux verts brillaient de mille feux. Elisabeth et Devon l'avaient aimés de tout leur coeur, un peu trop, ils n'avaient pas pris assez de distance pour ne pas être affectés de sa mort. Un accident. L'enfant était tombé dans les escaliers. Neuf mois plus tard, Hunter naissait, comme un intrus dans une famille en deuil. Jamais, jamais il n'avait entendu parler de ce fils avant lui. Comme si toute sa vie n'avait été qu'un mensonge, un effort pour oublier cet ange déchue.

Aucun mortel ne peut garder un secret. Si les lèvres restent silencieuces, se sont les doigts qui parlent. La trahison suinte par tout les ports de sa peau. Sigmund Freud

J’ai aimé jusqu’a atteindre la folie; Se que certains appellent la folie, mais se qui pour moi, est la seule façon d’aimer. Françoise Sagan.

Les gouttes de pluies martèlent ses épaules et chaque parties de son corps abandonné aux délices de l'averse. Son poing ne cesse de marteler la porte en bois peinte en blanc alors que les lumières s'allument au fur et à mesure que les secondes passent et que la pluie inonde un peu plus le corps du jeune homme. Puis la porte s'ouvre et une jeune femme aux cheveux foncés comme le charbon apparaît, emmitouflé dans un plaid aux couleurs crèmes. "Hunter ?" interroge-t-elle alors que ce dernier est toujours sur le pas de la porte, les yeux rougis et les épaules ruisselantes d'eau. Il ne dit pas un mot alors que la jeune femme recule pour le laisser entrer. Des flaques d'eau viennent se former sur le carrelage d'entrée et l'hôte s'éclipse un instant, le temps de chercher quelques serviettes. Le silence règne entre les deux personnes et lorsqu'elle débarrasse Hunter de sa veste, ce dernier prend son visage entre ses mains et capture ses lèvres dans un baiser humide et désespéré. Elle prolonge leur union jusqu'à ce qu'Hunter pose son front contre le sien. "Je t'aime Alexis..." elle lui sourit et pose une main sur sa joue. "Je t'aime aussi" leurs regards se croise et elle peut décerner une nouvelle naissance de larmes. Alexis vient prendre le visage de son amant entre ses mains et l'interroge silencieusement. Hunter ferme les yeux et vient prendre ses mains dans les siennes. "Alexis..." "Hunter ?" il inspira avant de s'agenouiller "Est-ce que tu veux m'épouser ?" Alexis lâcha les mains d'Hunter et resta immobile quelques instants. Hunter était comme pétrifié...il l'avait fait...il allait se rendre à l'évidence et commença à se relever. Alexis posa ses mains sur ses épaules et s'agenouilla devant lui avant de déposer ses lèvres sur les siennes et de murmurer "Oui", un sourire soulagé, mais trempé de larmes apparu contre le visage de la jeune femme. "Pars avec moi" "Quoi ?" "On s'en va, loin, le plus loin possible. Je...je...j'arrive plus à vivre ici. T'es la seule personne qui me donne la force de faire bonne figure devant mes parents. Alors..viens on s'en va, on part, on ne revient plus" "Mais..et tes études ?" "C'est pas moi..c'est pas moi ça ! Je veux pas devenir avocat, je veux devenir l'ombre d'un père qui m'a jamais calculé. J'en ai marre d'être malheureux, je veux être heureux Alexis et je le peux si je suis avec toi " "...d'accord." le visage d'Hunter s'étira sous le coup de la surprise "Quoi ?" "On part. Toi et moi."

La lumière pense voyager plus vite que quoi que se soit d’autre, mais c’est faux. Peu importe à quel vitesse voyage la lumière, l’obscurité arrive toujours la première, et elle l’attend. Terry Pratchett.

Cela faisait un an et demi qu'ils étaient partis. Envolés comme la poussière qui s'efface après qu'on est oublié son existence. Ils étaient partis comme deux voleurs, en pleine nuit, une bague à leur main respective. Hunter ne s'était jamais senti aussi maître de ses gestes et de son destin. Cette nuit là, lorsqu'ils avaient démarrés et que la voiture avait disparus au loin, il s'était sentie pousser des ailes pour la première fois de sa vie. "Tu sais où on va ?" avait alors demandé Alexis et pour seul réponse, elle eut droit à un des rares sourires de son amant, désormais fiancé. Ils étaient si..rares et précieux qu'elle s'en sentie satisfaite. Peut importe où il l'emmènerait, ils étaient ensemble et il veillerait sur elle. Pendant à peu près une semaine ils avaient vécu sur la route, s'arrêtant dans les motels qu'ils trouvaient, Hunter ayant encore accès à son compte bancaire avait largement de quoi nourrir Alexis. Puis ils s'arrêtèrent durant une année à Scalloway avant de re-déménager. Cette fois-ci ils quittèrent le continent et s'envolèrent pour l'Irlande.

"Alex ?" appelait-il en avançant prudemment entre les arbres sombres et pas si accueillants que cela. Elle était...juste sortie chercher le chien, mais elle n'était pas revenue depuis quelques temps maintenant et Hunter sentait son inquiétude grandir un peu plus à chaque instant. Il savait que peu aiment aller dans la forêt et malgré ces quelques mois ici, il n'arrivait toujours pas à comprendre ce que de simples loups pouvaient faire contre un village entier. "Alex !" appela-t-il une nouvelle fois alors qu'un frisson le parcouru. "..Alex ?" souffla-t-il d'un ton ferme qui le surpris. Il n'avait jamais été très courageux, pas la sorte de courage que l'on attend d'un homme en tout cas. Mais Alexis lui avait toujours permis d'évoluer, de lui faire voir les choses autrement. Alors, ce soir, il n'aurait plus peur et il la trouverait. Il l'appela encore une fois avant de trébucher sur une racine et de s'étaler au sol. "Eh mer..." Son visage se pétrifia alors que sa jambe restait accroché à un bras sans vie. Le regard d'Hunter remonta le long du bras et un gémissement lui échappa lorsqu'il rencontra les yeux mornes et claires d'Alexis. "Alexis..." murmura-t-il alors que son sang s'était figé, se glaçant comme le pire des glacier. Puis sa respiration reprit son cours, sa cage thoracique se levait irrégulièrement alors qu'il s'approcha de sa fiancée à quatre pattes. "Alexis ! ALEXIS !", ses mains parcouraient son visage, secouaient ses épaules alors que ses lèvres tremblaient, répétant son prénom encore et encore. Ses mains finirent colorés de rouges alors que son estomac se tordait au rythme de ses gémissements et répétitions de son prénom. Puis un cri désespéré, front contre celui du cadavre de sa fiancée. Ses joues finirent par elles aussi prendre la teinte du sang alors que le froid traversait tout son corps. Il fallut plusieurs heures à Hunter pour se relever et découvrir dans une vue d'ensemble l'état d'Alexis. Des morsures et une, fatale, au cou. Les mois de deuils furent dures et il s'enferma dans son travail, passant le plus clair de son temps à la bibliothèque, rangeant, rangeant à nouveau, rangeant encore, rangeant différemment, lisant, encore et encore. Et le soir, il restait là, debout devant la fenêtre qui donnait sur la forêt, à regarder, à scruter.

Et ainsi durant toute la marée de la nuit, je me tiens couché aux cotés, de ma chérie. Ma chérie, ma vie… mon épouse, dans sa sépulture, là, près de la mer, dans sa tombe, près de la mer sonore. Edgar Allen Poe

Thomas Delonay, nouvelliste anglais du 16ème siècle a écrit: Dieu nous donne la viande, et le diable les cuisiniers.

Le tapis de feuilles mortes s'éclate sous l'impact de la course qui se joue sur son seuil. La respiration haletante et les pupilles dilatés par la peur, la silhouette filante de l'homme transperce la tranquillité nocturne alors que des pas plus lourd et plus rapides le poursuive sans halte possible. On n'entend rien, c'est comme si le seul son de son coeur martelant sa poitrine était la seule preuve de son audition. La forêt semble morte, ses pas sont trop lents, il voudrait pouvoir aller plus vite, pour ne pas se faire rattraper par ce qui ne devrait pas exister. Il court, court, court. Il ne peut pas s'arrêter, il ne doit pas s'arrêter. Il ne peut même pas tourner la tête, il se contente de s'enfoncer un peu plus dans le noir complet de l'enfer agrémenté d'arbres au feuillage tombant. Etait-ce son jugement dernier personnel ? Le diable qui avait laissé de côté le malheur du monde entier pour s'occuper de sa petite personne ? Il entendait la respiration bestiale de son poursuivant, il le sentait, près, tout près. Il sent ses muscles faiblir, depuis combien de temps court-il ? Un grognement accentué d'un hurlement qui semblait intime à leur deux personnes indiqua à Hunter que la chose se tenait juste derrière lui. Il n'avait jamais voulu croire à cette histoire de loup garou. Des loups, d'accord, des villageois trop renfermés sur eux-mêmes pour raconter quelque chose de sensé, d'accord aussi, mais ce soir, il ne pouvait plus fermer les yeux. Ceux d'un rouge sang qui l'avait poursuivit dans cette forêt lui avait littéralement rugit au visage ce qu'il disait être pur foutaise.

Hunter tombe à terre alors qu'il sent les griffes de l'animal lui transpercer la jambe. Il n'arrive pas à hurler, trop épuiser pour se débattre, trop soulagé de bientôt rejoindre Alexis pour avoir plus peur qu'il n'ai déjà. Il trouve facilement le regard carmin de cette chose qui n'est pas censé exister. Il y incruste son regard, pour imprimer son image dans cet esprit qui devait être plus torturé et soumis à des instincts bassement animaux plutôt qu'à une conscience humaine. L'immense bête moitié loup, moitié humaine a des yeux qui reflètent mille fois l'enfer dans lequel Hunter finit par s'engouffrer. Ses poumons se soulèvent en même temps que cette chose, son corps est pétrifié. Pendant quelques instants rien ne se passe. Ses ongles sont enfoncés dans la terre fraiche alors que sa bouche est entrouverte, ses poumons emmagasinant le plus d'air possible tout en étant pas trop brusque. La chose est immobile, ses griffes toujours enfoncées dans ses mollets. Hunter sent le sang couler, le froid lui paralyser les pieds alors qu'il reconnait l'odeur. Le souffle chaud de cette chose, son haleine qui parcourt son visage. Il sent la mort, la décomposition...il sent..comme Alexis. C'est lui...c'est...lui ? Hunter fronce les sourcils et c'est le geste de trop, c'est la chose qui rompt le temps mort. Il n'a pas le temps d'inspirer que les crocs de la bête s'enfoncent comme du beurre dans son épaule. Il sent sa mâchoire se tordre et sa gorge se disloquer sous ses hurlements alors que les crocs de l'animal transpercent entièrement son épaule. Il sent les feuilles mortes chatouiller l'intérieur de sa chair, il hurle, il sent le sang couler alors que les yeux carmins le fixent comme s'ils attendent quelque chose. "DEGAGE !!" hurle Hunter alors que son corps est pris de spasmes, ses yeux sont humides et le corps lourd de l'animal sur ses jambes le fait crier. Puis sa respiration s'envole lorsque la bête face à lui affiche un sourire carnassier avant de disparaître en à peine quelques foulés.

« Amos Bronson Alcott a dit; Qui parle à l’instinct, s’adresse à l’essence même de l’espèce humaine, et trouve la plus immédiate des réponses. »